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Vivre, pour renverser la table. En avons-nous rêvé ! Déjà ça nous semblait souhaitable ; quant à dire possible, c’était une autre paire de manches ! On avait l’émancipation de 68 qui flottait encore dans nos têtes et dans nos vies, ça compensait largement à nos yeux les dérives et l’occultation du bonheur planétaire. Etions-nous naïfs ! Certains ne l’étaient pas, mais on ne les voyait pas sur des tonneaux devant les usines en grève, ils ne se montraient pas devant les bidonvilles, ils avaient le parler de ceux qui préparaient leur propre ascension vers le pouvoir à venir, ils ne pointaient pas au chômage ni à l’usine, ils parlaient bien de néocolonialisme, de mondialisation, mais on n’entendait pas les pistes envisagées pour en sortir. Ils étaient sur des meetings c’est vrai, passaient parfois à la télé, mais nous, on n’écoutait que distraitement. L’Entertainment voyez-vous, le confort, l’illusion tranquille ! D’autres affrontaient la réalité sur le terrain, celui de la solidarité, des banlieues, des alternatives. Epuisant ! Tous y ont laissé des plumes, pourtant ils continuent parce qu’ils ne voient pas leur vie autrement, c’est-à-dire vers un lendemain qui chante. La population dans son grand ensemble s’en foutait. Où me situais-je moi ? Vous vous en foutez, mais moi pas en ce moment présent, on est là pour faire les comptes, je suis là pour faire les miens. Et j’ai la mauvaise impression que je suis passé comme une lettre à la poste : cachetée, timbrée, transportée, ballotée, distribuée ; sans accusé de réception ; un simple avis de passage. Quelle adresse, une adresse ! Y’a plus qu’à aller chercher le recommandé. Jusqu’à la prochaine. C’est la même adresse mais la sonnette ne retentit plus, la même boite aux lettres mais y’a plus de courrier, le même paillasson mais les amis ne le franchissent plus. J’en oublie même de laisser la porte ouverte, de répondre au téléphone, de brancher mon ordi, de mettre un disque, d'ouvrir un livre. Oh ! Les journées passent, et je ne les vois pas passer ; mais je m’auto-centre, focalisé sur mes doigts qui pianotent ou griffonnent,  je suis sidéré sur une orbite intersidérale, je touche plus terre ne touchant plus l’autre, je suis seul, seul avec ma conscience qui semble prendre son autonomie que je lui avais semble-t-il confisquée. La nuit s’est installée sans que j’en prenne garde ; où est le rêve, et la réalité ? Dors-je ou veille-je ? Je ne sais. Dodo.*

Yves Proal
* suite à l’épisode 10.

 

Tag(s) : #Tristes chroniques
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